Préférez-vous un très grand tableau qui s’impose sur le mur, ou une multitude de petits tableaux qui l’égayent ?
Préférez-vous lire une majestueuse saga de 1 000 pages, ou une multitude de petites nouvelles joliment ciselées ?
Préférez-vous vivre une grande aventure dont le souvenir remplira toute votre vie, ou une multitude de petits évènements qui rejoindront l’immense cohorte de vos souvenirs enfouis ?
Préférez-vous traverser une fois le Pacifique et ne toucher qu’une fois un rivage longuement attendu et chèrement mérité, ou une multitude de fois la Manche pour aborder vite au même rivage sans surprise ?
Préférez-vous l’exploit de tuer un éléphant ou l’amusement de tuer une multitude de canards ?
Préférez-vous vous acharner à poursuivre un seul grand objectif dont dépend tout votre avenir ou travailler à une multitude de petits projets qui émaillent votre quotidien ?
Préférez-vous fréquenter un seul être exceptionnel et inoubliable ou une multitude de gens intéressants ?
Préférez-vous croire en un Dieu unique ou en une multitude de divinités ?
Je ne crois pas qu’aucun puisse répondre de façon tranchée et définitive à aucune de ces questions.
Se diviser, se concentrer.
Nous sommes des accordéons : au gré de la mélodie que nous joue l’air du moment, l’état de notre âme, la matière de notre cœur, la couleur de nos pensées, nous nous étendons à l’extrême pour un grand air ou petitement pour de petits airs.
Nous sommes des boas : au gré de l’importance des coups du sort, qu’ils soient heureux ou malheureux, il nous faut un temps plus ou moins long pour les digérer. Les plus gros nous étouffent définitivement ; les autres finissent toujours par être digérés.
Nous sommes des chênes : au gré de la contrainte qui pèse sur nous, nous poussons droit et haut vers le ciel, ou bien nous étalons en toute liberté.
Nous sommes des fleuves : au gré de notre pente naturelle du moment, nous aimons à musarder, nous étaler paresseusement, embrasser le plus large terrain, admirer les berges, ou dévaler fougueusement, fier et impétueux, insensible à tout ce qui nous borde.
Nous sommes en définitive bien plus aériens que liquides : compressibles et extensibles presqu’à l’infini, nous allons du plus grand au plus petit, du plus large au plus étriqué, du plus noble au plus mesquin, du plus ambitieux au plus humain, du plus lointain au plus quotidien, par insensibles évolutions autant que par brusques soubresauts, au gré des fluctuations de notre être intérieur.
Car notre esprit et notre cœur sont de paille : qu’ils s’enflamment, et ils chauffent si fort, si vite, mais bien souvent si vite aussi se consument-ils !
Car notre âme a une nature de braise : c’est un feu régulier, continûment réchauffant, plus ou moins puissant selon les êtres. Un feu qui s’efface devant la chaleur de la paille enflammée, mais reprend tous ses droits quand la paille est au calme.
La paille et la braise, si opposées dans leurs effets, qui se donnent en permanence la réplique, étonnez-vous que l’être humain soit si mystérieux et imprévisible!