Le système sympathique, le système parasympathique. L’un qui fonctionne tout seul, il suffit que le cœur batte, l’autre qui exige un cœur qui batte et des neurones qui bouillonnent. L’un qui nous permet de survivre, l’autre qui nous permet de vivre. S’entendent-ils comme larrons en foire ou se regardent-ils en chiens de faïence ? Je crois qu’ils s’ignorent, mais gentiment. Comme le fantassin ignore l’avion qui le survole à 10000 mètres.
Ce qui est sûr c’est qu’ils sont aussi indispensables l’un que l’autre. L’un règle notre fonctionnement interne, l’autre notre rapport à l’extérieur. Nul être ne peut survivre sans qu’il soit mis en permanence et énergiquement de l’ordre et de la cohérence dans cet inextricable écheveau de son Meccano intérieur. Condition préalable à ce que cet être s’occupe de ce qu’il y a autour de lui. Car nul être vivant ne peut survivre durablement sans rapport avec l’extérieur : l’oxygène certes c’est l’affaire du parasympathique, mais la nourriture, elle ne vous vient pas tout cuit dans le gosier, si le sympathique ne s’en mêle pas sérieusement !
Les organisations humaines sont comme les corps vivants : un système parasympathique. Observez ces grandes organisations ; n’est-ce pas magique que, malgré leur incroyable complexité insaisissable à un seul esprit humain, elles survivent, sans que personne ne fasse explicitement ce qu’il faut pour : aucune ville ne se paralyse, aucune entreprise ne se bloque. C’est que chaque organe sait ce qu’il a à faire, et le fait, automatiquement, indépendamment ; comme un estomac qui digère, sans avoir à se soucier le moins du monde du foie qui, quelques encablures plus loin, complète le travail. Chacun fait ce qu’il a à faire à son poste de sorte que l’organisation respire et survit. C’est magique, c’est mystérieux. C’est le souffle de la vie, explique-t-on, faute de mieux…
Mais pour que la vie souffle durablement, il faut se nourrir. Et la nourriture il faut aller la chercher, bien souvent se la disputer. Pour les êtres vivants comme pour les organisations humaines, il faut trouver à manger, que ce soit de la viande ou des clients, il faut se défendre des méchants, que ce soit la maladie ou les concurrents, il faut s’adapter aux nouvelles conditions, que ce soit l’hiver ou l’époque qui change. Bref, il faut bouger, il faut changer. Tout ce que ne sait pas faire le parasympathique, qui n’excelle qu’à reproduire inexorablement les mêmes réflexes acquis depuis des temps immémoriaux. Alors le sympathique entre en jeu….
Volonté, intelligence, expérience, appelez-le comme vous voulez, un peu de tout cela à la fois. C’est le fruit d’années d’apprentissage pour l’homme -alors qu’il n’y a aucun apprentissage pour le parasympathique-, des secondes sans doute suffisent pour le joli éphémère, des siècles pour les communautés humaines. Un temps d’apprentissage à géométrie variable donc, fonction de la complexité à gérer.
Le sympathique entre en jeu… Est-il d’ailleurs tellement sympathique ?
C’est une horde de guerriers qui quitte le village, le village douillet, bien protégé derrière ses murailles, mais qui s’asphyxie s’il reste replié sur lui-même. La horde quitte le village pour la razzia, pour aller piller, ramasser, chasser, prendre ce qui est nécessaire à la survie du village, au détriment des animaux qui seront tués, des villages ennemis qui seront pillés, de la nature qui sera soumise, si ce n’est saccagée.
Ainsi vont les êtres et organismes vivants : le parasympathique qui dans le silence, l’harmonie et l’éternel recommencement, assure la vie, le sympathique, qui, dans le bruit et la fureur, au moyen de la loi terriblement naturelle du plus fort, assure la survie.
Ainsi va la vie, mélange d’humilité discrète et de force ravageuse….