Accumuler, entasser, accumuler, entasser, toujours et toujours plus, n’est-ce pas là le ressort profond de notre nature? La nature elle-même ne nous en donne-t-elle pas l’exemple? Après avoir accumulé les générations qui nous ont précédés, elle accumule en nous les ans et les souvenirs, les habitudes et les rancœurs. Puis, morts, nous nous accumulerons dans les tombes, suivis en tout cela par nos enfants et par les enfants de nos enfants.
Ne nous donne-t-elle pas le spectacle des jours qui s’accumulent inlassablement les uns sur les autres, ainsi que les mois, les saisons et les années, des fleuves qui ne cessent de s’accumuler dans les océans, des alluvions dans les fleuves, les hauteurs, usées par les vents et courants, qui s’accumulent dans les vallées.
Chez nos semblables, au fil des siècles, les exploits s’accumulent aux exploits, les bassesses aux bassesses, les chefs-d’œuvre aux chefs-d’œuvre, les œuvres aux œuvres.
Accumuler, tel est notre destin. Accumuler, entasser. Vice ou instinct salutaire? Grandeur ou faiblesse de l’homme? Rien de ce qu’entasse la fourmi ne lui est inutile, mais le renard égorge tout le poulailler pour ne manger qu’une poule. Sommes-nous plutôt fourmi ou renard? A chacun selon.
Soyons déjà conscients que nous vivons pour entasser, prenons-en notre parti : choisissons ce que nous allons entasser, et efforçons-nous de n’entasser que la quantité utile.