Nul n’est censé ignorer la loi, et la loi est la même pour tous. Ben voyons ! C’est si simple ! On affirme ça, manu militari, et hop! Tous les problèmes sont résolus ! Tous au pas en cadence, et la communauté des hommes, d’un coup de baguette magique, par la magie de cette incantation, se voit transformée en un rutilant régiment prussien où tous marchent magnifiquement à la même cadence.
Le petit hic, car il y en a un, sinon à quoi serviraient ces innombrables bataillons de gens d’armes et de robe, c’est que chaque être humain, si semblable à ses semblables et pourtant si unique, fonctionne aussi selon sa petite loi à lui. Qu’il ignore plus ou moins, mais qu’il ressent très fortement, tout l’inverse de la loi de la communauté.
Et elle n’est pas forcément très compatible avec la loi commune, cette petite loi personnelle. Tout particulièrement sur un chapitre crucial : pense aux autres. Charité bien ordonnée commence par toi-même, te hurles discrètement et sournoisement à l’oreille ta petite loi à toi, à moins que tu ne sois un saint, un naïf ou un idéaliste, catégories, convenez-en aussi rares que peu adaptées à la vie en communauté. C’est que penser aux autres, c’est de plus en plus difficile à mesure que les autres en question s’éloignent de mon horizon quotidien et de mon cercle affectif. La société voudrait que je sois aussi concerné par le bonheur des inconnus qui vivent à mille lieues de mon univers que par celui de mes propres enfants…. Comme si une pierre qui tombe dans un lac pouvait produire des ondes concentriques qui s’éloigneraient à l’infini sans jamais diminuer et se dissoudre.
Il y a donc conflit, et de taille.
En fait chaque individu que nous sommes est soumis en permanence à l’affrontement de deux régimes : l’anticyclone des lois collectives bienfaisantes et un tantinet lénifiantes, porteur d’un gentil et sympathique beau temps ; anticyclone qui s’échine à repousser le cyclone de notre égoïsme bien senti, porteur de la tempête des passions humaines. Selon l’endroit où chacun se trouve, c’est l’un ou l’autre régime qui prédomine, mais nul endroit sur la planète n’est totalement exempt d’une menace de cyclone.
N’oublions pas cependant que ce sont les masses cycloniques qui apportent la pluie, ce don du ciel vivifiant sans lequel il n’y aurait plus de vie sur terre… Mais c’est l’anticyclone qui apporte la chaleur nécessaire à faire fructifier ce don du ciel…