Nous vénérons ce qui est grand. Et pourtant notre cœur va plus volontiers vers le petit. Ne fait-on pas tout naturellement précéder du tendre qualificatif de petit tout ce pour qui ou quoi nous éprouvons une certaine affection?
Petit et grand, peut-être sont-ils l’alpha et l’oméga de l’irrationnel de notre vie : le grand touche l’âme, le petit le cœur. Les deux sont aussi indispensables à notre équilibre : l’un nous saisit, l’autre nous enlace. Sont-ils contradictoires, étant l’expression de dimensions extrêmes et opposées ? Point à mon avis : de même qu’une règle a besoin de deux bouts pour pouvoir mesurer les longueurs, l’être humain a besoin de ces deux extrêmes pour pouvoir jauger ses sentiments.
A la grandeur, on associe volontiers la noblesse, l’héroïsme, le courage, la générosité, le désintéressement, bref, toutes ces belles qualités qui nous font nous tenir aussi droit que possible, qui pourraient nous élever vers ces hauteurs sidérales auxquelles nous aspirons sans vraiment les désirer, sans en être vraiment dignes; la grandeur, signe d’air : l’homme ne peut vivre sans le respirer, mais il n’est pas capable d’y voler.
Au petit, on associe la proximité, la tendresse, le douillet, la chaleur, l’immédiat; le petit, signe de terre : cette terre qui nous porte au quotidien, qui nous nourrit, nous abreuve, à laquelle même nous retournerons lorsque nous aurons cessé de respirer cet air des grandeurs; nous n’avons donc aucune raison de la mépriser, ayons pour elle l’affection et la reconnaissance qui lui sont dus.
Tant d’hommes pour avoir méprisé la terre ont trébuché, tant d’autres pour avoir ignoré l’air se sont embourbés.