L’avenir est un roman, une fable, un songe : nul ne peut l’écrire avec certitude ; celui qui l’écrit écrit avant tout, et sans bien s’en rendre compte, ce qu’il imagine, ce qu’il souhaite, ce qu’il rêve. Incertain, obscur et par là, quelque peu angoissant, l’avenir se lit bien plus dans le noir du marc de café qu’il ne s’écrit sur le blanc de la feuille. Devins, voyants, prophètes, ne s’expriment que par phrases obscures et à multiples sens. Et pour cause ! Les « prévisionnistes » eux-mêmes, et autres experts de tous poils, arguant de leur science et de leur savoir loin au-dessus de la mêlée, annoncent pour l’avenir des choses qui nous abusent et nous impressionnent, mais si souvent démenties lorsque cet avenir se présente !
C’est que nul avenir ne se laisse enfermer dans une lampe d’Aladin.
C’est que l’avenir, par essence, est inconnu. Il est certain autant que terriblement incertain ; autant que l’heure et le jour de notre mort.
C’est que l’avenir est, en quelque sorte, la mort du présent : inéluctable mais impossible à prévoir. Porteur d’autant d’angoisse que d’espoirs, symbole de ces destinées humaines qui, sans cesse, oscillent entre bonheur et malheur, destinée individuelle, destinée du clan, destinée du pays.
Le passé, l’avenir : le certain, l’incertain ; le fini, l’infini ; racines et certitudes, futur et incertitudes, eau et feu, qui nourrissent et chauffent sans cesse les destins humains.
Certains aiment l’inconnu, d’autres le redoutent. Certains ne vivent que pour découvrir de nouvelles terres, de nouveaux savoirs, de nouvelles expériences. D’autres ne vivent que pour revivre au coin du feu ce qu’ils ont déjà vécu et éprouvé. Les uns défrichent et découvrent. Les autres confortent et consolident. Les uns enterrent les traditions, détruisent les coutumes, les autres les renforcent et les polissent.
Les avides d’inconnu généralement s’intéressent plus au futur qu’au passé : qui est occupé d’avancer vite n’a pas le loisir de regarder derrière lui.
Les respectueux des traditions s’intéressent plus au passé qu’au futur : on ne peut renforcer et polir que ce qui vient de loin.
Mais les uns et les autres sont aussi nécessaires à la santé de l’humanité.
Les uns sont les racines qui plongent profond dans l’essence de ce que nous sommes, les autres sont les branches qui s’élèvent haut vers ce que nous pouvons devenir. Racines et feuillages sont nécessaires autant les uns que les autres pour que l’arbre soit, c’est par leur apport combiné que le tronc sans cesse grossit. Et que l’un ou l’autre s’affaiblisse, et c’est l’arbre qui s’abat à la première tempête, et c’est l’arbre qui se rabougrit au fil des saisons.