En fait d’appel, beaucoup ont l’appel du large ; une minorité ont plutôt l’appel de l’arbre. Une aspiration à voir autre chose, pour les uns ; une aspiration à voir les choses différemment, pour d’autres. Les vigies grimpaient au mât pour voir mieux, différemment et plus loin. Pourquoi si peu de terriens grimpent aux arbres pour voir de même ?
Ce qui vaut au propre vaut, et plus encore, au figuré…
L’herbe est évidemment plus verte dans le champ d’à côté : courons-y vite et abandonnons sur le champ notre champ ! Quitte, éternel insatisfait, à marivauder de champ en champ, à la quête de ce graal que serait le champ du bonheur parfait. Les marins évidemment ne peuvent le faire, emprisonnés qu’ils sont dans leur vaisseau ; alors, sages parce qu’ils ne peuvent faire autrement, ils grimpent au mât.
Qui court les champs et qui grimpe au mât ne le fait pas pour les mêmes motifs. L’un veut faire autrement ; l’autre veut faire mieux. L’un veut voir des nouvelles terres ; l’autre veut voir avec de nouveaux yeux. Les deux sont louables en proportion de la motivation qui les anime : désir superficiel de « voir du pays », pour simplement « voir autre chose », ou volonté profonde d’explorer ce que des terres lointaines peuvent apporter de connaissances et de perspectives nouvelles ? En matière de voyage, que ce soit à travers le monde ou à travers la vie, il existe tant de touche à tout qui ne saisissent rien ou si peu ! c’est que, s’il est si facile d’apercevoir l’apparence des choses, il est infiniment plus difficile d’en saisir le sens profond, le seul qui véritablement nous instruise…. Mais si l’on s’y attache, avec tout l’effort que cela demande, et le temps que cela prend, oui, il faut aller au large !
Il y a ceux qui grimpent aux arbres. Par nature cela demande toujours un effort de grimper. On le fait donc rarement pour des raisons futiles, ou par simple curiosité. L’intention est d’avance assurée d’être noble : y voir les choses de plus haut, pour percevoir des ensembles qui échappent vus du sol, y voir les choses d’un angle différent, y voir plus loin.
Qui grimpe à l’arbre n’en redescend jamais tout à fait le même : c’est que, de là-haut, il a vu son sol habituel et quotidien sous une apparence et un angle nouveau jamais envisagés auparavant, ni parfois même soupçonnés. Son monde de tous les jours s’est complexifié, élargi, en un mot enrichi, dans son imaginaire.
Avant de vous évader ailleurs, prenez soin de grimper à quelques-uns des arbres qui peuplent votre pays : c’est un effort que l’on ne regrette jamais, c’est bien souvent un voyage aussi riche en découvertes que l’exploration de la plus lointaine et la plus exotique des contrées….