Tantôt va l’homme sur la selle, tantôt va la selle sur l’homme, dit le proverbe oriental. Tantôt cavalier, tantôt cheval, tel est notre destin. Percheron ou pur-sang, chevalier ou manant, mais cavalier puis cheval, et nul ne peut s’y soustraire. Une fatalité donc, mais, pour autant, est-ce une triste fatalité ? Y a-t-il moins de chevaux heureux que de cavaliers heureux ?
L’un a la liberté, l’autre a la tranquillité. L’un peut aller où il veut, mais où veut-il aller ? L’autre ne peut aller que là où on lui dit, pourquoi irait-il ailleurs ? L’un doit fixer l’allure, l’autre n’a qu’à s’y conformer sans y réfléchir. L’un doit scruter l’horizon, l’autre n’a qu’à regarder où il met ses sabots. L’un doit veiller à rester en selle, l’autre est bien campé sur ses quatre jambes. L’un doit veiller à nourrir homme et cheval, l’autre n’a qu’à manger l’avoine qu’on lui donne. L’un n’a de maître que Dieu, l’autre son cavalier en qui il fait confiance. Et il y a autant de bons cavaliers que de Dieux cléments.
La liberté, c’est grand, mais c’est l’angoisse du choix. L’asservissement, c’est petit, mais c’est la sérénité de l’obéissance. Heureux donc l’homme, à qui le destin a réservé de passer sans cesse de l’un à l’autre !