Les mauvais chiffres de l’emploi dans l’industrie pharmaceutique ne doivent pas faire douter du dynamisme de l’industrie des dispositifs médicaux, selon Arnaud Gobet, président du groupe Innothéra. Mais exploiter le potentiel de la révolution de la santé connectée suppose une relance des investissements, et un renforcement des partenariats entre start-up et grands groupes.
Si l’on devait se tenir aux seuls chiffres de l’emploi global dans l’industrie pharmaceutique, pourtant forte de 99 000 salariés à la fin 2014, le monde de la santé renverrait probablement l’image d’une âme déprimée, semblable à la célèbre Melancholia de Dürer.
Commençons donc par un bref inventaire, illustré par une étude du LEEM de décembre 2015, qui témoigne d’une chute de l’effectif dans les entreprises du médicament, désormais à son plus bas niveau depuis 12 ans. Il s’agit même de la septième année de baisse consécutive et il y a fort à parier que 2015, loin d’inverser la tendance, accélère au contraire ce recul. En témoignent les différents plans sociaux déjà annoncés par plusieurs cadors du secteur.
Un tel constat est bien évidemment à nuancer, tout d’abord à la lumière des causes structurelles qui pénalisent l’emploi dans les laboratoires en France. Au premier rang figurent notamment les délocalisations induites par l’envolée continue, depuis plusieurs années, du marché des médicaments génériques. Par ailleurs, notre pays a cessé, au moins provisoirement, d’être un pôle majeur de recherche pharmaceutique dans le monde, malgré l’importance des aides publiques.
L’INDUSTRIE DE SANTÉ NE SE LIMITE PAS À LA PHARMACIE !
Pour autant, il n’est nul besoin de céder aux déclinistes en tous genres, pour la simple raison que l’industrie de santé ne se limite pas à la seule industrie pharmaceutique ! Aux côtés du médicament, les dispositifs médicaux, par exemple, occupent une place de choix dont le poids et le dynamisme sont souvent trop négligés. Une enquête de Bpifrance de février 2015 attribuait ainsi aux dispositifs médicaux, catégorie disparate allant des pansements aux bas de compression, solutions d’imagerie médicale et cœurs artificiels, une croissance de 5% par an !
Une telle progression, à contre-courant du reste de notre industrie, est d’autant plus impressionnante que le marché français du dispositif médical est déjà évalué à plus de 23 milliards d’euros en 2013, selon l’avis du CESE publié en janvier 2015. C’est presque autant que le secteur pharmaceutique dans son ensemble, qui enregistrait 26,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013!
LA FRANCE EN POINTE DANS LES DISPOSITIFS MÉDICAUX
Forts de ce dynamisme singulier, qui fait notamment de la France le 4e marché mondial dans le domaine et le 2e au niveau européen, les dispositifs médicaux emploient plus de 65000 personnes dans l’Hexagone, avec de belles perspectives de recrutement dans les années à venir.
Ce secteur, à la confluence de plusieurs technologies aussi diverses que la mécanique, le textile, l’électronique, ou encore l’informatique, est en effet le mieux à même de profiter de la révolution numérique. À l’heure où la santé est en train de connaître sa « e-révolution » avec un marché global estimé à 2,7 milliards d’euros en 2014, il suffit de regarder la multitude d’applications digitales déjà disponibles afin de prévenir les pathologies, et celles actuellement en développement, pour prendre conscience de ce potentiel.
Le maintien d’un haut niveau de croissance et le développement continu des dispositifs de santé connectée exigent cependant un renforcement de la collaboration entre les différents acteurs de cette industrie, particulièrement les PME, qui représentent 94% des entreprises du secteur, et les entreprises de taille intermédiaire (ETI).
COMBINER COMPÉTENCES MARKETING ET AGILITÉ
Les start-up ont en effet grandement besoin de l’infrastructure commerciale, des ressources financières et des compétences marketing des ETI, tandis que ces dernières aspirent légitimement à profiter de l’agilité et de la capacité d’innovation des « jeunes pousses ».
Il est également urgent de redonner de la confiance aux entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, et à leurs dirigeants, face à un risque durable de recul des investissements productifs. Les principaux dirigeants de l’industrie de santé ne doivent pas se laisser dicter leurs conduites par les contingences d’une économie en apparente difficulté mais, au contraire, préparer l’avenir en investissant.
Cet engagement doit bien évidemment avoir pour corollaire des réformes ambitieuses, impulsées par l’Etat et permettant à la fois d’encourager les secteurs de la santé à fort potentiel de croissance et de libérer les énergies dans d’autres. Loin d’être en déclin, les industries de santé constituent, en réalité, une formidable opportunité pour l’économie française d’aujourd’hui et de demain !
Arnaud Gobet
Président d’INNOTHERA
Paru sur L’Usine Nouvelle le 05/03/2016