Connaissez-vous cette maladie assez étrange, mais largement répandue dans notre beau pays de France, qui a pour nom « l’autoflagellation collective » ? Certes, elle n’est pas vraiment invalidante, mais, si son étiologie reste mystérieuse, ses manifestations symptomatiques sont bien réelles : l’individu atteint a le sentiment que tout va mal, que tout va mieux ailleurs, et que tout est de la faute des autres…
Il semblerait que le monde de la santé en France soit l’objet d’une crise aiguë de cette affection, en particulier chez les sujets jouissant par ailleurs d’une excellente santé !
Qu’on en juge : les médecins prescrivent trop, prescrivent mal, ils multiplient avec un malin plaisir des actes inutiles, les hôpitaux sont mal gérés, la « Sécu » est mal gérée, les laboratoires pharmaceutiques ne pensent qu’à développer des médicaments toujours plus chers. Bref, tout cela est hors de prix, pour une médecine qui, nous dit-on, est loin d’être la meilleure du monde. Donc, tout va mal dans le pire des mondes, par la mauvaise volonté manifeste de tous les acteurs en cause, et il est évident que l’herbe est beaucoup plus verte chez nos voisins, quels qu’ils soient !
Et pourtant, nous ne sommes pas exigeants : nous voulons la meilleure médecine du monde, immédiatement accessible à tous, et la moins chère…
Tirer sans cesse sur le pianiste ne l’a jamais fait mieux jouer. Qu’on lui donne avant tout un bon piano et un bon public. Nul, je pense, ne songerait à contester la qualité du piano, (ni celle du pianiste !) : personne ne met en doute la qualité de la formation et des équipements médicaux en France. Reste donc le public. Pourquoi est-il si morose ? Peut-être le pianiste n’a-t-il pas su le conquérir ? Il pourrait parfois descendre de son estrade ! Mais il faudrait aussi lui donner envie de le faire…
L’amour réel du patient, la hantise du mauvais diagnostic, le choix souvent difficile du meilleur traitement, le souci de rassurer et d’expliquer, la préoccupation de s’informer, si souvent rencontrés et reconnus par tant de patients, ne pourrions-nous pas aussi les reconnaître collectivement ?
Messieurs les politiques et les journalistes, voudriez-vous tenter l’expérience pour aider le pianiste à jouer mieux encore ?